Pour les articles homonymes, voir Sabbat (sorcellerie) (homonymie).
Dans le folklore européen, on dénomme sabbat les assemblées nocturnes de sorcières, lesquelles donneraient lieu à des banquets, des cérémonies païennes, voire des orgies.
Définition
Il faut distinguer le sabbat des
sorcières du
shabbat hébraïque. Au
Moyen Âge, certains textes chrétiens de démonologie vont jusqu'à qualifier le sabbat des sorcières de « synagogue des sorcières » ou de « synagogue du diable », sans doute à cause de l'analogie entre les deux termes, mais aussi parce que les rites et usages juifs étaient alors méconnus et mal considérés. L'origine du terme
sabbat reste néanmoins incertaine. Certains y voient un dérivé de
Dionisio sabazius, d'autres de
sabae (chèvre), d'autres encore, comme
Margaret Murray, du verbe
esbattre, dont la racine est commune aux langues romanes. Dans certains textes, le sabbat est effectivement appelé
esba.
Shabbat dérive probablement étymologiquement du chiffre 7 et de l'importance qu'il a dans les mythologies égyptienne et babylonienne, liées aux observations des astres.
Sabbat serait la déformation de ce terme ; il conviendrait davantage de parler d
esba.Le lieu
Selon la tradition, les
contes, les
légendes, le sabbat est célébré dans une clairière, une lande, à un carrefour, de nuit dans un endroit désert, près d’une source ou d'une fontaine, ou en un lieu offrant une particularité topographique, tel qu’un sommet de colline, un rocher ou un amas de pierres, ou encore un lieu connu depuis la préhistoire, comme un
Dolmen, ou simplement un grand arbre séculaire, toujours dans la nature et en contact avec elle. Les cultes des religions païennes n’ont rien à voir avec le satanisme : c’est le christianisme qui voudra y voir le diable, qu’il assimilera à ce que les anthropologues appellent le Dieu Cornu, divinité symbolisant la vie depuis les premières expériences religieuses des hommes et expression de la pensée magique au cours du paléolithique. Ce n’est qu’en 1303, dans un document où l’évêque de
Coventry sera accusé de sorcellerie, que l’Église utilisera pour la première fois le terme de «
Diable » à propos du Dieu Cornu.
Un cercle de pierres à l'intérieur duquel ils ont exécuté une danse rituelle est la seule trace tangible laissée par les participants au sabbat. Cette danse, au Paléolithique comme dans certaines sociétés traditionnelles contemporaines, devait sans doute conduire les participants à un état proche de la Transe de type chamanique. À partir du Néolithique, avec la naissance de cultes liés à l’observation des astres et leur adoration en tant que divinités, la danse en cercle, un flambeau en main, fait sans doute son apparition, mais les deux types doivent coexister, selon les cérémonies liées aux périodes de l’année.
Les dates
Le sabbat n’a pas particulièrement lieu le samedi mais plutôt à la veille des fêtes chrétiennes. Dans la tradition la plus ancienne, il semble même qu’il ait eu lieu plutôt dans la nuit du jeudi au vendredi. Les
solstices, les équinoxes, sont des dates importantes, comme le 2 février (correspondant à la
Chandeleur), le
1er mai ou le
1er novembre. Avec les débuts de l’agriculture se développent les cultes agraires liés à la fertilité, qui perdureront durant toute l’antiquité et nous sont assez bien connus. Les fêtes en l’honneur de
Dionysos, les
Bacchanales (voir aussi :
Bacchantes) sont en quelque sorte autant de prototypes antiques de ce que sera le sabbat, ou plutôt l
esba, du Moyen Âge. L’on y arrive alors avant minuit pour partir à l’aube.La cérémonie
Célébration des forces vitales de la
Nature incarnées par le
Dieu cornu, symbolisé par le cerf ou un autre animal à cornes tel le bouc ou le taureau, et dès les origines certainement personnifié par le chaman de la tribu s’ornant de ses attributs et portant un
Masque figurant l’animal, maître de la cérémonie, il s’agit d’un spectacle dont les participants sont les acteurs. Aussi la cérémonie se compose-t-elle d’un banquet où l’animal, de la préhistoire à l’antiquité, était sacrifié et consommé sur place. Des
drogues extraites de plantes ayant un effet
Hallucinogène y étaient certainement consommées pour parvenir à la vision extatique durant la danse rituelle. En certains cas, chez les primitifs, une victime humaine, capturée dans une
tribu ennemie, était probablement sacrifiée, d’où le
Cannibalisme parfois évoqué.
Au Moyen Âge, on y vient pour s’échanger les recettes de toute une Pharmacopée traditionnelle, onguents, potions, confectionnés avec des simples végétaux ou des organes d’animaux, y apprendre les incantations nécessaires au bon fonctionnement des remèdes, ceci pour ce qui est des réunions, plus particulièrement liées au « culte de Diane » hérité de l’antiquité, fréquentées par une société essentiellement féminine structurée selon des critères égalitaires et matriarcaux où le savoir se transmettait de mère en fille, de génération en génération, de sorcière « initiée » à « adepte » nouvelle recrue. Société de guérisseuses et de sages-femmes, le terme de « Belladone » désignant la plante médicinale est là pour en témoigner. S’y rendent des femmes habiles en leur art, entreprenantes et vivant de leur commerce, fileuses et tisserandes ; et la quenouille, le fuseau apparaissent dans les contes de fées des veillées. Leurs groupes forment alors sans aucun doute des réseaux solidaires.
À partir du moment où les grandes hérésies apparaissent, le sabbat et ses pratiques cultuelles païennes peuvent être génériquement qualifiés de Sorcellerie. Cette pratique, tolérée par le christianisme conquérant mais pas encore enracinée en profondeur dans la société rurale (le christianisme ne s’y étant pas implanté du jour au lendemain et le nord de l’Europe et les pays slaves ne furent guère christianisés avant l’an mille), va être perçue comme une forme d’hérésie et combattue comme telle au fur et à mesure que les participants vont devenir plus nombreux. Or ils vont le devenir, et le sabbat va drainer, du fond des campagnes, les déshérités de tout poil et de toutes origines, les mécontents et les malheureux, les « déçus de la religion officielle », par le biais du bouche-à-oreille. Il s’agit alors plutôt d’un festin où les drogues et la boisson ont certainement leur rôle (il suffit de penser au joli champignon rouge à pois blancs qu’est l’amanita muscaria, présent dans l’iconographie des fables). On vient dès lors au sabbat pour oublier des conditions de vie difficiles, pour manger à satiété et faire la fête. Et si le « diable » y fait son apparition, masqué comme il se doit, pour y mener la danse, c’est bien souvent à un rebelle contre l’ordre établi qu’il fait penser. Dans les procès-verbaux des tribunaux de l’Inquisition, il est généralement décrit comme affable et débonnaire, et non pas comme un criminel sanguinaire.
Un des aspects du sabbat souvent évoqué, tant par la culture populaire que par l’Inquisition, est son caractère sexuel, explosion des sens. Dans une société sexophobe où, par tradition religieuse après la rupture avec la liberté sexuelle de l’antiquité qui n'était pas hantée par l'idée de péché, la chasteté est à l’ordre du jour et les interdits nombreux, le sabbat devient l’occasion de rapports sexuels et de relations libres. Indubitablement, cette liberté sexuelle évoquée et qualifiée d’orgiaque fait partie de cette fête comme dans tout rite de la fertilité et en toute occasion sociale dans un monde rural au moment des moissons, des vendanges, etc. Selon la nature et le caractère de ses participants, ces réunions peuvent évidemment avoir connu des dérives bestiales, parfois effectivement sataniques, et criminelles.
Dans le monde contemporain
Le « culte de Diane » évoqué est également appelé de manière générique « Ancienne Religion » et correspond aujourd’hui au
néo-paganisme et à ses formes variées comme le
Néo-druidisme, ainsi qu'à ce qu’on nomme la
Wicca dans le monde anglo-saxon. Margaret Murray soutient que les adeptes du culte de Diane se réunirent de tous temps par groupe de 13 forment un
Coven.
Eyes Wide Shut, le dernier film de Stanley Kubrick, peut être considéré comme une représentation contemporaine du sabbat, mais il faut noter que le « maître de cérémonie » incarne davantage la puissance de l'argent, Mammon pourrait-on dire, puisque les spectateurs invités ne sont que d'aisés notables, tandis que les jeunes femmes formant cercle ne sont autres que des prostituées, payées. Les participantes aux sabbats antiques ne l'étaient pas ou n'y participaient pas à ce titre, de sorte que la meilleure comparaison qu'on puisse faire de nos jours est davantage avec une manifestation de type Woodstock, soit les rave-party d'aujourd'hui.
La commune dEllezelles en Belgique organise chaque dernier samedi du mois de juin la reconstitution d'un sabbat de sorcières. Selon une légende locale, cinq sorcières furent exécutées par la corde et par le feu pour des méfaits de sorcellerie commis sur le site de la commune (lieu-dit Mareû à Chorchiles).
Voir aussi
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